Un ballon d'oxygène pour l'Europe
Assouplissement quantitatif, affaiblissement de l'euro, baisse du baril de pétrole : l'économie européenne va-t-elle rebondir ? Yves-Michaël Kazadi est prêt à le croire et porte un regard positif sur 2015.
Yves-Michaël Kazadi est Investment Analyst chez Beobank et à ce titre, suit de très près les grands indicateurs macro et microéconomiques.
La croissance en Europe continentale est faible, voire nulle depuis plusieurs années, et l'austérité s'est solidement installée. Mais 2015 pourrait être une année de transition. « Nos analystes voient plusieurs raisons d'être optimiste », confirme Yves-Michaël Kazadi, Investment Analyst chez Beobank. « D'abord, les politiques de rigueur commencent à s'alléger. Ensuite, les pays qui ont engagé un certain nombre de réformes constatent avoir un effet positif progressif sur la croissance et le chômage. » On s'attend d'ailleurs à connaître une croissance de 1,3 % dans la zone euro et de 1,5 % en Allemagne.
S'y ajoute un facteur décisif : Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, est passé à l'acte. « Il a annoncé en janvier qu'il lançait un assouplissement quantitatif pour stimuler la relance. Ce programme est très convaincant. La BCE a décidé de racheter 60 milliards d'euros de dettes souveraines et privées par mois jusqu'en septembre 2016. C'est un formidable ballon d'oxygène. »
Du coup, on pourrait bien assister à un renversement du cycle du crédit. De 2008 à 2014, la croissance du crédit a connu un arrêt quasi complet. Les ménages se sont désendettés et les entreprises ont allégé la charge de leurs emprunts. « Mais l'initiative de Mario Draghi vise à forcer les banques à prêter aux ménages et aux entreprises. Ce qui devrait aider à relancer la machine de la consommation. »
Enfin, il y a le fléchissement de l'euro qui passe de 1,37 euro pour un dollar à 1,15 ou 1,16. Ce qui favorise les entreprises exportatrices. « C'est un autre élément clé. En Europe, le marché a déjà bien réagi à la baisse de l'euro. D'autant qu'aux États-Unis, les chiffres de croissance du PIB au quatrième trimestre sont inférieurs aux attentes.»
Quelques menaces
Cela dit, pour l'investisseur, l'avenir immédiat de l'Europe n'est pas exempt de risques. « Le premier, c'est la déflation. Un phénomène que la baisse du prix du pétrole pourrait aggraver. Mais nos analystes restent confiants : l'injection de liquidités dans l'économie devrait avoir un impact à la hausse sur les prix. » Autre incertitude : la Grèce. « Nos analystes estiment qu'un accord financier sera trouvé pour 2015. Reste à voir comment la Grèce renégociera sa dette au mois de juin. Nos analystes restent optimistes, malgré les remous auxquels on peut s'attendre du côté d'Athènes. »
Les pays les plus prometteurs
Vers quels pays l'investisseur peut-il se tourner ? « L'Espagne est la première à bénéficier de la nouvelle situation », répond Yves-Michaël Kazadi. « Les indices sont bien orientés, la croissance est au rendez-vous et le chômage, qui reste élevé, continue à baisser progressivement. »
L'Italie aussi va profiter des mesures de la Banque centrale. « Les réformes sont en bonne voie et même si les résultats ne sont pas encore extraordinaires, la volonté de changement est bien présente. » L'Irlande, elle, s'en sort déjà bien. Sa dette a fondu, comme son déficit qui devrait être inférieur à 3 % en 2015. Le PIB est en progression, le chômage baisse de façon significative et on assiste à un rebond de la vente au détail.
Certains pays soulèvent quelques questions. Comme le Portugal qui a encore besoin d'un financement du FMI. « Mais on voit que la qualité de sa dette ne fait actuellement pas l'objet d'une inquiétude particulière de la part des agences de notation », souligne Yves-Michael Kazadi. L'Allemagne, elle, ne va pas fondamentalement être stimulée par l'assouplissement monétaire ni par la baisse de l'euro puisqu'elle s'accommode très bien d'une monnaie forte. La France, elle, profitera directement de la baisse du pétrole et de l'euro. « Mais là, ce sont ses dépenses publiques qui restent préoccupantes. La dette publique pèse de tout son poids sur l'économie française. »
Les secteurs en pointe
Les investisseurs ont tout intérêt à chercher les entreprises européennes exportatrices ou cycliques qui profitent d'un euro moins cher, recommande Yves-Michael Kazadi. « Quelques exemples parmi d'autres : le secteur brassicole, l’industrie, l’horeca…. Les marchés de l’automobile et de l’aéronautique ont déjà bien exploité la conjoncture. » L'analyste de Beobank conseille aussi de s'intéresser à des pépites dans la périphérie européenne, comme en Italie ou en Espagne. C'est-à-dire des sociétés moyennes qui sont des acteurs incontournables dans leur secteur. « J'ajouterais les entreprises locales qui vont bénéficier de la reprise dans leur marché et toutes celles qui s'adressent aux consommateurs. Le secteur bancaire aussi, qui a beaucoup souffert depuis 2008, va profiter de l'assouplissement quantitatif. Enfin, les entreprises du secteur energétique devraient bénéficier d’un regain d’intérêt en deuxième partie de l’année car elles ont été survendues et leurs valorisations s’avèrent attractives à plus long terme »
Assouplissement quantitatif
L'assouplissement quantitatif, ou quantitative easing, est un outil de politique monétaire dont disposent les banques centrales. Ainsi, la Banque centrale européenne va acheter aux banques leurs actifs financiers, typiquement des obligations d'État et d'entreprises. Avec cet argent frais, les banques pourront alors octroyer de nouveaux prêts, ce qui accroîtra la masse de monnaie en circulation dans l'économie. Dans le même temps, la hausse de la demande d'obligations par la BCE augmentera mécaniquement leur valeur et fera donc baisser leur rendement. Du coup, les États, comme les entreprises, pourront se financer à moindre prix. Au bout du compte, cette mécanique poussera les consommateurs et les investisseurs à ne pas laisser dormir leur argent sur leurs comptes en banque et à s’endetter davantage en consommant ou en investissant.
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