Quelles sont les ruptures actuelles dans le domaine de l'investissement lié au changement climatique ?
En collaboration avec Schroders
Le changement climatique sera l’un des principaux déterminants de l’économie mondiale dans les années et les décennies à venir. Les investisseurs ne peuvent s’affranchir du changement climatique. Que l’on assiste à un renforcement des mesures visant à réduire les émissions de carbone ou à une poursuite de l’augmentation des températures, cette thématique a des conséquences directes sur les investisseurs du monde entier.
A l’occasion du Séminaire 2018 de Schroders sur la durabilité et le changement climatique, divers experts se sont exprimés au sujet de l’importance croissante des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sur les décisions d'investissement. Nous nous sommes entretenus avec Simon Webber, gestionnaire de fonds chez Schroders, qui fait l’inventaire des grandes tendances dans le domaine de l’investissement lié au changement climatique.
Les prix évoluent
Au cours des dix dernières années, le prix du carbone est resté largement très bas en Europe, oscillant autour de 5 euros la tonne depuis 2011 en raison de la récession et d'une offre excédentaire de quotas de carbone. La Commission européenne a récemment modifié les règles encadrant ces quotas, ce qui a permis au prix du carbone d’enregistrer un net rebond pour atteindre 15 dollars la tonne au cours des derniers mois.
« Cette hausse du prix du carbone va renforcer la compétitivité des technologies d’énergie propre en Europe », explique Simon Webber.
En revanche, il fait remarquer que les prix des énergies solaires et éoliennes sont en baisse. En comparant les prévisions des coûts moyens des énergies aux États-Unis en 2020, Simon a montré que l’énergie éolienne produite sur terre sera la plus économique, tandis que l’énergie nucléaire sera de loin la plus onéreuse. Compte tenu de l’augmentation des capacités installées de production d’énergies renouvelables, les équipements de production traditionnels d’énergie nucléaire, de gaz et de charbon, dont les coûts sont plus élevés, vont voir leur rentabilité diminuer.
« Avec un prix estimé à 100 dollars la tonne en 2020, il est probable que les centrales à charbon et à gaz soient progressivement évincées du marché », poursuit Simon.
Ce basculement vers de nouvelles infrastructures énergétiques va également entraîner une évolution radicale des matériaux qui seront nécessaires. Le cuivre devrait être l’un des grands bénéficiaires de cette tendance puisqu’il sera nécessaire dans la construction d’éoliennes terrestres et maritimes et pour la production d’énergie photovoltaïque.
Voitures électriques
Concernant le marché automobile, Simon Webber estime que des efforts considérables seront nécessaires pour que l’augmentation des températures ne dépasse pas 2°C, et que le secteur automobile devra à l’avenir assumer une grande partie du fardeau du changement climatique.
« Après les nombreux échecs des premiers constructeurs de véhicules et de batteries électriques, tous les constructeurs traditionnels se sont lancés dans le développement de nouveaux modèles électriques. Ces modèles devraient s’apparenter à la gamme de véhicules produite par Tesla dans les prochaines années », explique-t-il.
Selon Simon Webber, il sera plus facile d’acquérir un véhicule électrique et leurs prix seront nettement plus faibles que ceux des véhicules utilisant du carburant.
« Le marché évolue rapidement et les analystes ont encore du mal à évaluer cette opportunité car ils tablent sur une adoption très linéaire des véhicules électriques par le grand public. Mais ce type de changement est souvent très rapide et se répercutera sur l’ensemble de la chaîne de valeur, des stations-essence aux composants utilisés dans les véhicules en passant par le recours aux batteries comme unités de stockage d’énergie », continue Simon Webber.
Il fait également remarquer que l’adoption des véhicules électriques entraînera une augmentation de 25 % de la demande du secteur minier, qui a longtemps eu du mal à renforcer ses nouvelles capacités de production.
Assainir l'air
Simon Webber met également le doigt sur d’autres types de rupture, notamment la montée en puissance des solutions cloud pour la comptabilité des entreprises, aux dépens des équipements physiques. « Ce type de solution va considérablement réduire les émissions des entreprises », explique-t-il.
Autre secteur dont les émissions devraient diminuer, celui des transports. Nous allons probablement assister à une désaffection envers le transport routier au profit du transport ferroviaire si les prix du carbone ou les taxes augmentent fortement. Le transport routier va donc en pâtir, alors que le transport ferroviaire, dont les émissions de CO² par tonne sont nettement plus faibles, en profitera.
Gestion du portefeuille
En tant que gestionnaire de fonds, Simon Webber estime que l’impact du changement climatique touchera bien plus que les revenus des entreprises.
« Tous les aspects de l’évaluation des fondamentaux en seront affectés. Dans nos stratégies, nous privilégions les entreprises qui offriront des solutions ad hoc et dont les perspectives commencent déjà à s’améliorer. Le marché a toujours beaucoup de mal à évaluer les conséquences de ce type de rupture », conclut-il.
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