La guerre commerciale, une stratégie électorale
Elle pourrait s’avérer coûteuse pour les États-Unis
La vision de Trump selon laquelle le monde a « profité », des années durant, de l’économie américaine s’inscrit parfaitement dans la rhétorique « America First » grâce à laquelle il a été élu à la magistrature suprême. Les efforts qu’il a déployés, ces derniers mois, pour mettre fin à ces pratiques commerciales « déloyales » ne peuvent s’envisager que dans le contexte des prochaines élections. Mais quel est l’impact de cette politique et qu’adviendra-t-il après les élections ?
Tous les membres de la Chambre des représentants et un tiers des sénateurs américains remettront leur siège en jeu le 6 novembre. Les Démocrates espèrent reconquérir les sièges détenus par les Républicains à la Chambre des représentants et au Sénat. Bien que cela paraisse difficile, surtout pour le Sénat (25 des 33 sièges qui doivent être renouvelés sont déjà aux mains des Démocrates), les élections de mi-mandat s’annoncent particulièrement stressantes pour Donald Trump. Le résultat de celles-ci déterminera en grande partie la marge de manœuvre qui lui restera pendant la deuxième moitié de sa présidence.
Ces derniers mois, Trump a fait tout ce qui était en son pouvoir pour accroître sa popularité. À cet égard, le commerce semble être un thème électoral porteur. La vision qu’a Trump du commerce international se situe dans le prolongement de sa vision duale d’un monde divisé entre gagnants et perdants : si une partie exporte plus que l’autre, elle est du côté des gagnants. Trump est, en outre, un « deal maker » par excellence. Sa prédilection ? Torpiller les principaux traités commerciaux (OMC, ALENA, UE, etc.) multilatéraux en négociant des accords bilatéraux, dans lesquels les États-Unis peuvent prendre une position plus dominante. Le fait que Trump annonce régulièrement un « gigantesque accord commercial » avec le Royaume-Uni afin de maintenir les négociations relatives au Brexit sous pression ne doit, par exemple, rien au hasard.
Depuis l’été, le président américain a passé la vitesse supérieure pour réduire les importations étrangères aux États-Unis, au point qu’il semble se diriger vers une véritable guerre commerciale. En juin,Trump a déjà augmenté sensiblement les droits de douane sur l’acier et l’aluminium en provenance de l’Union européenne, du Canada et du Mexique. Ces dernières semaines, la Chine semble être devenue sa nouvelle cible. Des droits de douane de 10 % sur 200 milliards de dollars de marchandises chinoises importées aux États-Unis ont été instaurés en septembre. Et ils pourraient même s’élever à 25 % au début de l’année prochaine. Trump entend tout mettre en œuvre pour réduire le déficit commercial avec la Chine (environ 375 milliards de dollars en 2017) qui lui est insupportable.
Avantage aux États-Unis... mais pour combien de temps ?
À première vue, les barrières commerciales de Trump semblent faire le jeu des producteurs américains, car elles stimulent à la fois la demande intérieure et le pouvoir d’achat. La bonne tenue des marchés boursiers américains par rapport à d’autres régions du monde, le dynamisme de la croissance économique et les indicateurs macro-économiques encore largement positifs semblent confirmer le succès de l’approche « America First ».
Il convient toutefois de garder à l’esprit que les États-Unis ont maintenant atteint le sommet de leur cycle économique et qu’une menace de surchauffe se profile même à l’horizon. Le seul moyen de croître pour une économie qui connaît le quasi plein emploi, passe par la migration de main-d’œuvre (une idée à laquelle Trump n’est clairement pas favorable) ou par l’augmentation de la productivité. Des mesures protectionnistes menacent, cependant, de réduire cette productivité en empêchant les producteurs américains d’accéder à la production la plus efficace dans un contexte mondial.
En outre, les mesures de rétorsion prises par l’Europe et la Chine à la suite de l’augmentation des droits de douane obligent Trump à prendre des mesures de soutien fiscal pour dédommager les producteurs nationaux. Pensons notamment aux 12 milliards de dollars promis aux agriculteurs américains. Au moment où le déficit budgétaire américain s’est creusé en raison d’une politique budgétaire et fiscale expansionniste et où l’économie américaine risque une récession, ce cocktail pourrait faire s’envoler l’inflation. Qui plus est, une augmentation des droits de douane peut entraîner une hausse des prix pour les citoyens américains et aura un effet délétère sur la rentabilité des entreprises américaines. Autre problème pour Trump ? L’animosité accrue résultant de la guerre commerciale pourrait dissuader les investisseurs étrangers de financer l’excédent budgétaire américain (par exemple, en achetant des obligations américaines), et ce, dans un contexte où la Fed continue de réduire son bilan bancaire, ce qui assèche d’autant la liquidité sur les marchés.
Fin de l’épreuve de force
À terme, se retirer du commerce international risque d’avoir de lourdes conséquences pour le producteur et le citoyen américain. En particulier parce que les autres blocs commerciaux intensifient, quant à eux, leurs relations commerciales. En témoignent les récents accords commerciaux européens avec le Japon (juillet) et le Vietnam (octobre), ainsi que les négociations en cours avec les pays du Mercosur et l’Australie. Les pays asiatiques ne sont pas en reste non plus. Le secteur de la technologie représente actuellement environ 25 % des échanges commerciaux entre les États-Unis et l’Asie. Si la guerre commerciale avec la Chine s’aggrave, les producteurs de composants technologiques à Taïwan et en Corée du Sud devront choisir entre les deux superpuissances, la Chine étant celle qui pourrait le mieux tirer la couverture à elle.
Trump en est-il conscient ? On peut le supposer. La situation actuelle montre surtout qu’il n’est jamais souhaitable qu’une politique commerciale s’inspire d’un agenda politique. Une fois les élections américaines passées et les conséquences de la guerre commerciale visibles, il semble probable que le bon sens l’emportera sur la rhétorique dure des tarifs douaniers et des mesures de rétorsion. Mais il faudra un certain temps et encore un peu de musculation géopolitique, ce dont les marchés financiers ont horreur.
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