Marchés financiers : aperçu de la situation
Par Yves Kazadi, Senior Analyst - 23/08/2021
Jackson Hole, le moment tant attendu par les investisseurs
Organisée par la Fed de Kansas City, la conférence annuelle de Jackson Hole réunit, chaque été, les banquiers centraux. Cet évènement reste un élément majeur dans la tendance des taux d’intérêts. A l’aube de cette fin d’année, les investisseurs sont en quête de plus de clarté par rapport aux potentielles décisions qui seront prises durant ce meeting. La crainte de revoir une hausse des taux combinée à celle de l’inflation pèse sur le moral des investisseurs et enclencherait des grands changements dans le style de gestion des portefeuilles.
Depuis des années, on constate que les 4 grandes banques centrales allaient de pair dans cette politique de taux bas. Cependant, la FED a prévenu qu’elle commencerait à réduire son assouplissement quantitatif (en anglais « Tapering ») dès le 1e semestre 2022. Cette annonce a fait frémir un grand nombre d’investisseurs qui craignent que le timing (post Covid-19) pour effectuer un tapering dans un environnement où le pouvoir d’achat pourrait être en baisse (retour de l’inflation) est mal choisi. Ce choix risquerait même d’entrainer une baisse de la croissance aux USA.
Dans cet article nous prendrons comme scénario central, l’idée que les taux d’intérêt pourraient partiellement monter en cette fin d’année sur les marchés américains et nous partagerons ensemble certaines stratégies potentiellement exploitables autour de ce scénario.
Quel comportement adopter dans un scénario de hausse de taux ?
Dans la configuration de marché actuelle, nous pourrions considérer que le yield obligataire (passé de 1,74 % au 30 mars 2021 à 1,24 % au 18 août 2021)1 ainsi que les actions cycliques ont connu un point bas. Ils pourraient rebondir durant cette dernière partie d’année, et ce pour 3 raisons :
- Les craintes face au variant delta sont en baisse et la vaccination suit son court
- L’inflation semble persistante (indice des prix à la conso aux USA au-dessus de 5 %)1
- La croissance économique dans les pays développés reste forte (PIB aux US attendu pour Q3 autour des 3 %, dans l’Union Européenne autour des 3,6 % pour Q3)1
Afin d’éluder la question autour de l’inflation, nous rappelons que la hausse de l’inflation serait essentiellement due à la hausse des matières première et à la hausse des prix de la production industrielle résultante de la réouverture post premier confinement. Comme exprimé lors de nos précédentes éditions, l’inflation proviendrait du shift de la demande des services vers la demande industrielle (télétravail et équipement nécessaire pour le télétravail, consommation en ligne, équipement nécessaire pour la transition énergétique). Il ne s’agira donc pas de craindre à cet instant l’inflation ou la hausse des taux, mais plutôt de cibler les actifs qui pourraient en bénéficier.
Quelle stratégie aborder sur les marchés d’actions ?
Sur les marchés d’actions, nous continuerons - suite aux bons résultats d’entreprise obtenus récemment - à conserver un regard favorable. A cet effet, nous favoriserons progressivement des actifs et des secteurs qui seront plus corrélés positivement à des potentielles hausses de taux. Afin d’anticiper les craintes des marchés face à une hausse des taux trop rapide qui génèrerait une chute des marchés, nous n’hésiterons pas à réduire la voilure sur la partie technologique des portefeuilles.
Quels secteurs favoriserons-nous en Europe et aux US ?
La technologie oui, mais …
Lorsque nous parlons de technologie, nous précisons que le segment du software serait quelque peu délaissé en faveur de solutions autour du hardware.
Les entreprises de stockage de données connaissent une amélioration de leurs bénéfices par action durant cette 2e partie d’année1. L’usage de la technologie dite d’hyper-convergence (optimisation de data centers) ainsi que de modèles cloud hybrides devrait être soutenu par la hausse de la demande de PC des entreprises ainsi que du retour des employés au siège.
Concernant les équipements de communication et de réseautage, ils devraient eux aussi bénéficier de l’usage de la 5G, de la hausse de la demande pour le réseau de type cloud ainsi que de la tendance à la digitalisation des entreprises.
Financières
Dans le segment des financières nous continuerons de favoriser les Assets Managers, car ils bénéficient des flux financiers qui ruissellent de plus en plus autour de l’ESG. La bonne performance des marchés en cette première partie d’année soutient la croissance organique de ces entreprises. A titre d’exemple, le marché de la dette dite « Green Bond » est passé de 800 milliards en 2020 à 1400 milliards2 . Ce marché devrait encore bénéficier dans les années qui viennent de l’amélioration des critères d’embauche pour les plus jeunes afin de réduire le taux de chômage élevé chez les moins de 25 ans (10 % de taux de chômage aux US pour 17 % dans la zone Euro)3, de l’amélioration face à l’égalité des genres, de la réduction des discriminations salariales, sans oublier l’augmentation des standards éducationnels.
Consommation discrétionnaire
La consommation discrétionnaire devrait elle aussi bénéficier de la réouverture de l’économie.
Quid des small caps ?
Concernant les PME, nos craintes face à une hausse des taux sont atténuées par le fait que les taux réels aux US sont à la genèse d’une hausse et que les valorisations sont toujours attractives, que ce soit en Europe, aux USA et même dans les pays émergents. Parmi les secteurs que nous favoriserons sur les PME, on pourra retrouver les secteurs de l’industrie, de la consommation discrétionnaire et plus précisément les sous-secteurs tels que l’automobile, les biens de capitaux, le secteur du transport et des services à la consommation.
Quels secteurs favoriserons-nous sur les marchés émergents ?
Nous conserverons un regard positif sur les banques traditionnelles dans la partie émergente (EMEA : Europe de l’Est, Moyen Orient et Afrique). A titre d’exemple, les entreprises du Golfe devraient bénéficier de la hausse des prix du pétrole, mais aussi de l’Expo 2020 à Dubaï4, sans oublier la coupe du monde 2022 au Qatar. La politique de hausse des taux dans les pays émergents devrait également soutenir le secteur banquier dans son ensemble. La consommation discrétionnaire devrait, elle, bénéficier à terme de la réouverture des économies et de la forte croissance des plateformes digitales. L’industrie et le secteur des matériaux devraient continuer de bénéficier du rebond dans l’activité manufacturière ainsi que des projets d’infrastructure.
Quid de la Chine ?
Il est essentiel de comprendre que les entreprises de e-commerce en Chine sont de plus en plus poussées à augmenter leurs coûts afin de rester compétitives dans un environnement de régulation. Pour ces entreprises, si elles souhaitent rester compétitives sur le marché intérieur en Chine, elles devront augmenter leur marketing ainsi que proposer des nouvelles solutions de business face à des entreprises telles que Alibaba. En résumé, elles devront céder leur potentiel profit lors du 2e semestre pour conserver leur part de marché. Nous conserverons à court terme un regard plutôt neutre sur le marché chinois.
Quelle stratégie aborder sur les marchés obligataires ?
Sur les marchés obligataires nous favoriserons les gestionnaires de fonds ayant une duration plus faible que la moyenne des marchés US et Européens.
Sur la partie obligataire chinoise, le cycle de resserrement des règles sur le marché des technologies continue d’impacter les marchés d’actions chinois au bénéfice de la dette chinoise. Cette situation pourrait pousser à terme la PBOC à soutenir l’économie en injectant de la liquidité sur les marchés5. Ce serait en effet bénéfique pour les obligations si la PBOC décidait de revenir à un assouplissement monétaire. De plus, les réformes qui poussent à améliorer le rating des entreprises devrait être bénéfique pour la dette de qualité en Chine (« Investment grade »)6. Ces réformes énoncées en mars 2021 avaient premièrement pour but de pousser les entreprises de rating à se focaliser sur la dette de long terme et non uniquement sur celle de court terme. A cela s’ajoute que le suivi des régulateurs serait très strict, évitant ainsi des situations rocambolesques où des entreprises notées telles que Evergrande (notée par Moody B+ en 2018 et CCC en 2021)1, Yongcheng Coal (notée par China Chengxin AAA en 2015 et actuellement B)1 ou China Fortune Land (notée par Fitch BB+ en 2018 et actuellement délistée « WD : withdrawal rating »)1 se retrouvent dans des situations de défaut imminant.
Conclusion
Les 5 grandes banques centrales devront trouver un terrain d’entente, car pour la première fois chacune d’entre elles prend petit à petit sa direction :
- Les USA souhaitant effectuer un tapering et in fine voir les taux à la hausse
- L’Europe et le Japon aimeraient conserver la politique actuelle de taux bas
- La Chine pourrait être amenée à relancer son économie par de l’assouplissement monétaire. Certes, elle a pu, par des mesures drastiques, baisser son ratio dette/ PIB de 272 % fin 2020 à 267 en Q2 20211 mais il y a de forte chance qu’elle soit amenée à changer de cap.
- La Banque d’Angleterre demeure à nos yeux la plus énigmatique dans cet environnement.
En fonction des choix des banques centrales, le positionnement régional et sectoriel devra-t-être révisé au sein des portefeuilles afin de suivre la tendance du marché. Enfin, suite au Jackson Hole, l’un des points clefs pour la confiance des investisseurs sera de ne pas voir l’inflation transitoire (matières premières, biens de construction, moyens de transport, semi-conducteurs) se transformer en inflation permanente…
Sources:
[1] Bloomberg Analytics
[2] https://www.climatebonds.net/resources/reports
[3] https://www.reuters.com/article/health-coronavirus-gen-z-economy-graphic-idUSKBN28Y0O2
[4] https://www.expo2020dubai.com/fr
[5] https://www.reuters.com/article/china-economy-policy-idINKBN22U13H
[6] https://news.cgtn.com/news/2021-03-29/China-issues-draft-rules-to-improve-credit-rating-industry-Z1nzJYABhe/index.html
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